Lors de deux jours de travail des associations signataires de l’appel de Bruxelles début octobre 2013, a été lancé la Coalition pour l’abolition de la prostitution (CAP). A cette occasion, Rachel Moran une survivante de la prostitution irlandaise, auteure de « Paid For, my journey through prostitution », l’histoire de ses années dans la prostitution, est venue témoigner de son expérience et de la nécessité de recourir à l’abolition à la suédoise, donc à la pénalisation du client. Voici la vidéo tournée par Mariana Colotto pour le Lobby européen des femmes. Et la traduction en français en dessous.
Rachel Moran : « La prostitution n’est pas le lieu où opère le trafic mais la cause du trafic sexuel »
octobre 12, 2013 § 4 Commentaires
« C’est vraiment un très beau jour pour moi, je suis vraiment ravie d’être là pour le lancement de la coalition pour l’abolition de la prostitution. Il y a 20 ans si on m’avait dit que je viendrais à Bruxelles pour parler de mon expérience cela m’aurait paru complètement incroyable. J’aurais pensé que ceux ou celles qui me disaient cela avaient pris autant de drogues que moi ».
« Je suis partie de chez moi très tôt, à 14 ans. Je me suis retrouvée dans la prostitution dans l’année qui a suivi.
J’ai quitté -je me suis enfuie- la prostitution à 22 ans ». Je n’ai que dix minutes donc je ne vais pouvoir vous parler beaucoup de toutes ces années où il s’est passé tant de choses qui m’ont éloignées de qui j’étais en tant que personne. Il n’y a rien ni personne qui pourrait me dire quelque chose qui pourrait me faire croire qu’il peut exister une forme de prostitution qui soit source de force, qui puisse être une sexualité libératrice, ou même être tout juste vaguement tolérable. Je ne crois rien de tout cela. Rien dans ce que j’ai vu ou ou dont j’ai pu être témoin aussi dans la vie d’autres femmes ne rendrait cela possible.
Il y avait vraiment vraiment trop de dégradations, beaucoup de violence bien sûr. Mais quand les gens me posent des questions sur la violence je crois qu’ils sont à côté du vrai enjeu. J’ai toujours pensé cela même si à une époque je le ressentais juste sans que ce soit une pensée très construite.
Ce que ne comprennent pas ces personnes c’est le fait que l’acte lui-même est violent. Que même l’homme le plus gentil qui aie touché mon corps était violent. Et en fait, d’une certaine façon c’était pire parce qu’il était plus malhonnête que celui qui me frappait à la tête et qui au moins me disait ce qu’il pensait de moi.
Je vais mentionner brièvement mais il en a déja été question le lien entre proxénétisme et trafic humain et sexuel dans la prostitution. J’ai parlé à une amie récemment qui est dans une association de soutien aux personnes prostituées. Elle a parlé des ces situations où on sait que les mêmes qui sont des proxénètes « traditionnels » sont aussi par ailleurs des trafiquants de femmes. C’était d’ailleurs la situation à mon époque aussi.
Comme cela a été dit c’est la prostitution (demande) qui est l’origine du trafic.
La prostitution n’est pas le lieu où opère le trafic sexuel mais la cause du trafic sexuel.
J’ai pris quelques courtes notes parce que je n’aime pas lire un texte. Une des choses dont je voulais parler ce sont les mensonges des lobbys pros. Je ne peux pas parler de tout en 10′. Mais un mensonge très important qu’il faut dénoncer c’est la façon dont ils jouent avec les statistiques. Nous avons cette constante contestation des chiffres. La façon dont nous pouvons y mettre fin c’est d’y répondre avec des chiffres irréfutables et très importants. C’est là que nous comptons sur la Suède pour communiquer sur son modèle.
Car la Suède a fait tant et est devenue un tel exemple pour le monde, et cela a été si important pour moi. Je ne peux même pas vous exprimer ce que cela a représenté pour moi que la Suède ait fait ce qu’elle a fait.
Ce qu’elle a fait c’est qu’elle a affirmé clairement que ce qui m’était arrivé et arrivait à un nombre incroyable de femmes était mal et anormal. Et c’était le premier pays à le dire. Et cela représente bien plus que je ne peux le dire.